En moyenne, un quart des « accidents champignons » en France est issu de champignons ramassés dans la propriété familiale.
Ce n’est pas parce que personne de votre famille n’a jamais rien eu auparavant en les mangeant que tous les champignons qui poussent dans votre jardin sont bons et que vous pouvez aussi en donner aux voisins.
Savez-vous que la loi française interdit aux particuliers de vendre ou d’offrir une cueillette de champignons ?
Les intoxications sont causées par des champignons toxiques par définition, soit par ignorance, soit par confusion.
Sous un chapeau de champignon, la partie reproductrice est constituée soit d’aiguillons, soit de tubes, de pores, soit encore de plis ou bien le plus souvent de lamelles.
Dans le cas des amanites par exemple, l’insertion et la couleur de ces lamelles à maturité sont essentielles pour la détermination, et donc la reconnaissance d’espèces toxiques ou mortelles.
Mais parfois les accidents font avancer les connaissances parce que personne n’avait ingéré ce champignon auparavant.
Les champignons comestibles ne sont pas sans risque même si ceux-ci sont ramassés sainement dans un endroit sain, avec une cuisson adaptée.
En effet, si vous transportez votre récolte dans des poches en plastique, vos champignons peuvent devenir très humides, des moisissures vont alors se développer à leur surface et leur décomposition va être accélérée.
Par ailleurs, certaines espèces deviennent toxiques au contact de la matière plastique : de parfaits comestibles peuvent ainsi devenir impropres à la consommation surtout si le consommateur a une déficience gastrique.
Idem avec des champignons frais vendus dans le commerce, qui auraient été mal conservés depuis leur récolte.
Lors de visites d’expositions mycologiques, vous avez sans doute remarqué des étiquettes avec la mention « A rejeter » pour certains champignons.
S’il n’y a point d’ambiguïté sur les champignons affichant une tête de mort, le ramasseur est inquiet par la mention « A rejeter ».
En général, les mycologues vous répondront qu’il s’agit de champignons à forte odeur ou mauvais goût (âcre, amer), ou bien que cette espèce n’a aucun intérêt culinaire ou encore peut être confondue avec un sosie toxique, voire mortel.
Des allergies peuvent toujours être possibles selon les individus, et dans certains cas elles peuvent s’avérer mortelles.
Plus que jamais, la prudence doit être de mise.
Certaines espèces, quand elles sont consommées en trop grande quantité, peuvent provoquer des intoxications.
Ceci est vrai même pour les meilleurs des comestibles : une « overdose » de cèpes, girolles ou trompettes peut vous conduire à une indigestion, votre cerveau gardera ce fâcheux incident en mémoire et vous deviendrez intolérant à ces champignons.
En clair, vous ne pourrez plus jamais consommer à vie de cèpes, girolles ou trompettes. Consommez donc les meilleurs comestibles toujours avec parcimonie.
Les champignons sont riches en chitine, dérivé azoté que l’on retrouve également dans les cuticules (carapaces) des insectes et qui est très difficile à digérer.
Ils présentent également une abondance de sucres particuliers : le tréhalose et le mannitol.
Le premier sucre ne peut être dégradé que par la tréhalase, enzyme manquante hélas par carence génétique chez certains individus.
Dans ce cas, l’accumulation de tréhalose conduit à une fermentation responsable de diarrhées importantes.
Le second sucre induit une pression osmotique élevée, responsable de débâcles intestinales parfois violentes.
Le métabolisme très actif des champignons est également responsable de la synthèse de certaines molécules complexes (antibiotiques, etc.) auxquels certains organismes sont allergiques ou intolérants.
On comprend donc que la consommation excessive de champignons parfaitement consommables peut induire, particulièrement chez certaines personnes, des réactions d’intolérance parfois très violentes et spectaculaires.
Nous portons à vous connaissance un nouveau site internet présentant des centaines de photos de champignons, afin d’aider et renseigner les promeneurs sur les différentes espèces : http://www.champiweb.com
Article Sciences & Vie – Novembre 2023 – « Pourquoi certains champignons sont-ils toxiques ? »
Article en anglais (octobre 2022) : « Amanitin biosynthesis genes in Amanita rubescens »
Voici une présentation succincte des principaux champignons toxiques et mortels (crédit photos : Eric MICHON, membre de la SHNVC – Société d’Histoire Naturelle de Voiron et de Chartreuse).
Amanita muscaria = Amanite tue-mouche
Cette amanite est toxique, potentiellement mortelle.
Amanita phalloïdes = Amanite phalloïde
Ce champignon mortel est à connaître absolument.
Pour un adulte, un seul chapeau peu être mortel !
Amanita pantherina = Amanite panthere
Ce dangereux champignon peut être confondu avec d’autres amanites comestibles.
Omphalotus illudens = Clitocybe de l’olivier
Confondu hélas trop souvent avec des girolles, l’aspect « en touffes », la présence de lames véritables et de la couleur vive doivent inciter à l’abstinence.
A noter que Omphalotus olearius pousse au pied des oliviers, mais O. illudens se retrouve parfois au pied des chênes ou des châtaigniers.
Hypholoma fasciculare = Hypholome en touffes
Ces champignons toxiques sont très couramment rencontrés sur du bois.
Si leur couleur jaune attire les yeux de l’imprudent, l’amertume de ces champignons devrait décourager les plus téméraires.
Nous mettons à votre disposition en téléchargement libre le fichier suivant créé par Eric MICHON
et recensant près de 830 champignons mortels, toxiques ou à effets indésirables.
Voici à titre d’illustration quelques exemples qu’Eric MICHON a développés :
► L’amanite tue-mouche (Amanita muscaria) fut employée par les shamans de Sibérie pour ses symptômes ressemblant à l’ivresse.
C’était oublier que l’intoxication est sérieuse (vomissements, douleurs, troubles du rythme cardiaque, hypotension), potentiellement mortelle !
► L’amanite phalloïde (Amanita phalloïdes) contient 7 groupes différents de poisons et toxines !
La dose mortelle se situe entre 25g et 35g de chair pour une personne de 75 kg, ce qui est très peu.
Si les limaces et lapins ne craignent pas ce champignon, ce n’est pas le cas des humains et des animaux de compagnie.
Les premiers symptômes apparaissent dans les 6 à 24 heures après consommation (10-12 heures en moyenne) : vomissements, déshydratation sévère, hypovolémie (déficit de sang dans le système circulatoire), IRF, choc, décès précoce ou rémission, puis hépatite, hépatomégalie, ictère, cytolyse, insuffisance hépatocellulaire, hémorragie digestive, encéphalopathie hépatique, hypoglycémie, coagulopathie, IRA, et décès tardif.
L’amanite phalloïde est à l’origine de 90% des décès enregistrés en France suite à l’ingestion d’un champignon.
C’est donc le tout premier champignon à apprendre à reconnaître lorsqu’on est débutant dans la cueillette des champignons.
Ses principales caractéristiques sont (décrites en termes du langage courant, n’en déplaise aux mycologues) : un chapeau vert, mais parfois jaunâtre ou blanc, vêtu de lames blanches en dessous et d’une jupe lisse assez lâche, avec le bout du pied dans un sac blanc, parfois enterré.
► Le pied bleu « Lepista nuda », comestible recherché pour sa chair tendre et parfumée, a causé des syndromes digestifs signalés en cas de consommation trop abondante et surtout de champignons trop avancés : il est conseillé de ne cueillir que les exemplaires jeunes (violets, fermes, marge enroulée) et d’éviter les exemplaires âgés, gelés ou imbus (gorgés d’eau).
► Le Clitocybe nébuleux (Lepista nebularis), consommé sous l’appellation vernaculaire de « Gris de Sapins » ou « Petit-gris » dans la région Franche-Comté, parfois même servi dans certains restaurants du Jura a provoqué aléatoirement de forts malaises.
20 min à 3 heures après le repas, certaines personnes ont développé des troubles digestifs (nausée, vomissements, diarrhée et douleurs abdominales).
Il a été remarqué que, sur les intoxications isolées (1 personne parmi les convives), les symptômes sont plus tardifs mais aussi plus sévères.
L’hypothèse de 2 mécanismes d’intoxication est plausible mais à ce jour aucune toxine n’a été identifiée.
► Le Clitocybe retourné (Lepita inversa) a rendu des personnes très incommodées, de même pour Lepista saeva et Lepista irina.
Le genre Lepista, c’est plus d’une vingtaine de variétés recensées dans nos massifs montagneux de l’Est de la France, dont les plus courants sont : Lepista nebularis, nuda, sordida, flaccida var inversa, glaucocana, saeva, irina et panaeolus.
Tous ces champignons ont un goût assez prononcé même après dessiccation.
► Les Clitocybes blancs (intoxications de type Sudorien) sont trop souvent confondus avec des Mousserons ou avec le Meunier (Clitopilus prunulus).
► Le Clitocybe à pied en massue (Ampulloclitocybe clavipes) a un effet antabuse qui se caractérise par différent symptômes : rougissements, bouffée vasomotrice, vasodilatation, céphalée (pulsatile), nausée, vomissement, tachycardie, dyspnée, hyper-sudation, vertige, étourdissement, vision floue, malaise, lipothymie, modification de l’électrocardiogramme, douleur thoracique, confusion mentale et ataxie, comme le Coprin noir d’encre ; ils sont tous 2 passés dans les toxiques.
► Bien que très rare, le Clitocybe amoenolens, responsable d’acromélalgie (accès de douleurs intenses localisées au niveau des doigts et des orteils, à type de fourmillements ou de brûlures), peut être confondu avec Lepista flaccida var. inversa.
► « A rejeter » : c’est la mention qui était affiché pour Hapalopilus rutilans. A classer « toxique » dorénavant car une intoxication en France dans l’arrière pays niçois est venu confirmer l’expérience d’un couple d’allemands il y a 20 ans.
La confusion avec la Fistulina hepatica, à conduit à l’hôpital une famille niçoise ayant présenté des symptômes observés entre 6 et 12 heures après l’ingestion : douleurs abdominales, vertiges, hallucinations, troubles de la vision et diplopie, faiblesse générale et anorexie, émission d’urine violette, atteinte rénale et hépatique.
► Scleroderma citrina, parfois utilisé frauduleusement pour falsifier la truffe, a causé des intoxications gastriques par des ingestions volontaires, de même que Megacollybia platyphylla consommé en grande quantité.
Pour les mêmes raisons, Hygrophoropsis aurantiaca serait en cause.
Le « casseroleur » (terme sous lequel les mycologues désignent, un peu péjorativement il faut le dire, les adeptes des champignons en cuisine) ne connait par la parcimonie, et pourtant les mycologues prônent depuis des années une consommation raisonnée !
► La consommation en trop grande quantité de l’Oreille de Judas (Auricularia judae) a provoqué des hémorragies cutanées, ce qui en font le Syndrome de Szechwan.
► En 1995 à Monferrat en Isère, le Dauphiné-Libéré, journal local, titre « un homme de 73 ans intoxiqué par des trompettes de mort » : 2 jours d’interrogation avant d’apprendre que l’infortuné, certes édenté, n’avait mangé que cela depuis 6 jours. Verdict : occlusion intestinale.
► La cuisson des espèces est soupçonnable dans les intoxications avec les Morilles et chez le Bolet blafard (Boletus luridus).
Les morilles sont toxiques crues car elles contiennent des hémolysines qui détruisent les globules rouges du sang : il s’agit de toxines thermolabiles, c’est-à-dire détruites par la chaleur, c’est pourquoi les morilles ne deviennent donc comestibles, qu’une fois bien cuites, pendant au moins 15 minutes.
Le séchage des morilles, en raison de l’exposition à la chaleur (voyez notre article de blog sur le séchage des champignons), détruit cette toxine.
Il n’est donc pas nécessaire de cuire aussi longtemps des morilles préalablement séchées.
Il faut également éviter de consommer de l’alcool en mangeant des morilles.
De plus, certaines personnes peuvent développer une allergie ou une sensibilité alimentaire aux morilles.
Si vous n’avez jamais mangé de morilles, il est conseillé d’en consommer une petite portion les premières fois.
Si des symptômes apparaissent, ne mangez plus de morilles.
► Attention également à la fausse morille ou gyromitre (Gyromitra esculenta) qui provoque maux digestifs, convulsions, fièvre, atteinte hépatique, problèmes rénaux, hémolyse, coma.
► Le canari, aussi dénommé bidaou en pays basque (Tricholoma equestre) a causé plusieurs décès en France en 2000 et 2001.
Les intoxiqués, qui présentaient une rhabdomyolyse aiguë (destruction des cellules musculaires) en auraient fait une consommation excessive.
De même pour Tricholoma auratum : ces deux espèces sont interdites de vente depuis 2005.
► Plusieurs décès au Japon ont été dus à l’ingestion de Pleurocybella porrigens. La plupart des intoxiqués étaient des insuffisants rénaux avec symptômes évoquant une encéphalopathie métabolique (trouble de la marche et de la conscience).
► Schizophyllum commune, très commun dans nos contrées sur les troncs coupés ou arbres morts, a provoqué en Inde, chez certaines personnes déficientes sur le plan immunitaire, des infections graves dites invasives : infection chez un patient ayant des allergies broncho-pulmonaires, mais aussi des cas d’abcès au cerveau chez des personnes sensibles à la sinusite.
Des cas de sinusite maxillaire avec obstruction nasale ont été causés par cette espèce : seul le curage chirurgical est efficace dans ce cas.
► Ces dernières années, des symptômes d’allergie (cutanée, respiratoire ou digestive) sont apparus après l’ingestion d’espèces pourtant comestibles : champignons de Paris (Agaricus bisporus), pleurotes (Pleurotus ostreatus) et cèpes de Bordeaux (Boletus edulis).
Des problèmes respiratoires également ont été rapportés avec Coprinus comatus, Agaricus campestris et Lycoperdon perlatum.
► Le Shii-také (Lentinus edodes) a causé des allergies cutanées à zébrures parfois prurigineuses.
► Dans le cas de faiblesse cardiaque par exemple, il conviendra d’avoir le coup de fourchette léger avec certains comestibles comme Amanita rubescens et Armillaria mellea.
Ces armillaires couleur de miel sont en outre des champignons reviviscents qui passent pour des champignons frais, alors que les lames sont devenues tâchées de roux, confirmant un âge avancé.
► Des gastro-entérites ont été observées après ingestion de Cudonia circinans et Spathularia flavida.
► Le Paxille enroulé (Tapinella involuta) est responsable du syndrome Paxillien.
Le caractère vicieux de ce syndrome provient de ce qu’il y a des souches inertes et des souches immunogènes.
Si on a la malchance de consommer un nombre suffisant de fois des paxilles immunogènes (x repas), le stock d’anticorps accumulé dans l’organisme peut déclencher au repas x + 1, une hémolyse massive et diverses perturbations pouvant entraîner la mort.
► Plusieurs cortinaires du groupe Orellanus sont des champignons dont les toxines s’attaquent aux reins. Les symptômes sont très tardifs, en général plusieurs jours après le repas !
Une seule confusion des cortinaires couleur de rocou avec des chanterelles suffit pour être dialysé avec un traitement à vie.
► Les Leprocybes sont malheureusement encore trop souvent ramassés car les personnes apprécient leur belle couleur et le bel aspect de ces espèces !
► Tout récemment encore, chez les russules douces, Russula olivacea a causé des intoxications au pays basque espagnol.
Des mycologues locaux ont enregistré au cours des deux dernières décennies, plus de 40 cas d’empoisonnement avec ce champignon avec des symptômes gastro-intestinaux assez tardifs (6-8 heures) : les russules ont été consommées peu cuites et en particulier préparées au barbecue.
Un mycologue de Suisse Romande a été témoin de vomissements importants, relativement tardifs (environ 4 heures) provoqués par la consommation de cette russule probablement pas assez cuite non plus.
Rappel des règles à respecter :
Dans un communiqué, la Direction générale de la Santé (DGS) et l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) rappellent les consignes de prudence à respecter face à des champignons toxiques, qui peuvent beaucoup ressembler aux espèces comestibles.
► « Ne ramassez que les champignons que vous connaissez parfaitement » et « au moindre doute », il faut faire contrôler sa récolte par un spécialiste, en premier lieu un pharmacien. »
► « Cueillez uniquement les spécimens en bon état », « ne cueillez pas près de sites pollués » et « séparez les champignons récoltés par espèce » , car un champignon vénéneux peut contaminer les autres. »
► Tremblements, vertiges, troubles de la vue, nausées et vomissements : les symptômes d’intoxication peuvent apparaître jusqu’à douze heures après la consommation.
► En cas d’urgence, il faut appeler immédiatement un centre antipoison (www.centres-antipoison.net) ou le centre 15.
Et nos conseils supplémentaires en conclusion : avant de préparer vos champignons sauvages pour les consommer, posez-vous encore la question de savoir si vous êtes certains de leur comestibilité.
Avez-vous consulté un spécialiste (mycologue ou pharmacien expert) ? Et si vous vous trompiez malgré tout ? Dans le doute, abstenez-vous.
Et évitez de consommer en même temps plusieurs champignons d’espèces différentes dans le même plat.
Même si vous êtes sûrs de vous, conservez au moins un exemplaire frais et une photo de l’intégralité de votre récolte : ces informations précieuses pourront peut-être aider les centres anti-poisons à vous prendre en charge plus rapidement.
Lisez l’article sur un champignon toxique à l’origine de maladies de Charcot.
Découvrez l’article consacré aux décès dus aux infections fongiques (qui) ont doublé en dix ans – The Conversation – Janvier 2024
En matière de guides de détermination des champignons, voici nos recommandations :
► L’indispensable guide du cueilleur de champignons (Belin – 15€) : de format poche, avec une couverte plastifiée (ce qui est très pratique sur le terrain).
► Les champignons dans la nature (Delachaux et Niestlé – 29€40) : tous les champignons de nos régions, photographiés sous tous les angles.
Et enfin voici la bible de référence des éminents mycologues français :
► Le guide des champignons France et Europe (Guillaume EYSSARTIER et Pierre ROUX – Belin – 36€).
Crédit photo de couverture article « Amanite tue-mouches » : Michel RICHARD – Société Mycologique du Haut-Rhin
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